lundi 8 mai 2017

Un prêtre qui a de l'avenir en révision

Tout spécialiste des mots peut vous raconter en frissonnant au moins une histoire d'horreur, une situation professionnelle où ses yeux ont laissé passer une coquille abominable, habituellement située sur une page couverture ou tout autre endroit extrêmement visible. Des campagnes d'affichage chics et chères ont dû être réimprimées pour cause de « faute si flagrante que même un élève du primaire l'aurait vue »!

Comment expliquer cet angle mort? 


Tout d'abord, le cerveau adoooooore compartimenter, segmenter, répartir dans des petites cases. Par souci d'efficacité, il fait facilement abstraction de tout ce qui lui paraît superflu pour se diriger droit vers l'essentiel. Encore mieux, c'est un champion de l'anticipation qui comble les « trous » pour accélérer son rythme de lecture.

Tout cela est bien pratique pour survoler les pages d'un magazine en repérant en un coup d'oeil les extraits dignes de notre précieuse attention. Aux oubliettes le numéro de folio, le crédit sous la photo ou cette publicité trop belle pour être vrai. On se précipite sur le corps du texte pour dévorer les mots et passer le plus rapidement possible à travers cet article. 

Ce sont ces mêmes aptitudes qui nous jouent de cruels tours lorsque la révision fait partie de notre gagne-pain. La vue d'une affiche qui attend mon approbation me cause presque toujours une cabriole dans l'estomac. Je traite le mandat solennellement, énonçant chaque mot à voix haute, en suivant le tout avec un stylo. Paradoxalement, recevoir un document de quelque 100 pages à réviser m'inspire un grognement de plaisir anticipé. Mes coreligionnaires comprendront...

Le truc? Morceler les étapes de révision


L'expérience m'a appris à déjouer ce fieffé cerveau en « morcelant » les étapes de révision. Je commence par lui retirer la bride en le laissant se ruer sur les paragraphes. Ensuite, je reprends du début pour me concentrer plus particulièrement sur les « à-côtés » : titres, sous-titres, légendes, crédits de photo et tous ces petits bouts de textes que nos méninges dédaignent habituellement. 

Puis vient la troisième et aussi importante étape, celle de la « révision graphique ». Y a-t-il une photo ou un élément visuel qui pourrait prêter au ridicule? Une voiture stationnée devant un panneau d'interdiction (déjà vu), un chien dans un parc où ils sont interdits (vu aussi) ou encore un politicien qui semble coller cette contribuable d'un peu trop près en raison de l'angle choisi par le photographe (oui, vu)?

Une amie m'a fourni cette semaine un délicieux exemple que je m'empresse de partager avec vous pour illustrer ces propos. Travaillant sur une campagne promotionnelle soulignant l'anniversaire d'une paroisse, elle a soumis aux responsables de l'église deux affiches réalisées par une graphiste à partir de textes et d'images choisis par ses soins. Bien sûr, ces affiches ne lui avaient valu qu'un concert d'éloges jusqu'à ce moment. 


C'est le prêtre lui-même qui a constaté l'incongruité (laquelle, je dois souligner, paraissait moins évidente pour qui contemplait l'affiche dans son ensemble) et fait remarquer poliment que cette chapelle paraissait plus vide que « remplie de fidèles »!

En révision, des yeux neufs ne seront jamais de trop. Si ceux de votre ministre du culte ne sont pas disponibles, n'hésitez pas à avoir recours à votre conjoint, facteur ou vétérinaire avant de lancer l'impression de cette campagne sur laquelle vous avez besogné pendant des mois!



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