jeudi 8 mars 2018

« C'est dans le journal! »


Certains de vos principaux clients, en particulier les dirigeants d’organisations et les politiciens, vivent dans l’instant présent. Les mandats sont souvent courts et les fauteuils éjectables. Il n’est donc pas étonnant que ceux-ci suivent l’actualité avec la plus grande anxiété et réagissent au quart de tour quand ils en font les frais. Bref, quand un journaliste crie  « grenouille », ils n’hésitent pas à sauter. Et c’est vous qu’on envoie sur le trampoline en leur nom.

Ce lien quasi incestueux avec la presse vous suivra toute votre carrière. Vous découvrirez très rapidement que les journalistes sont de petites bêtes attachantes mais extrêmement empressées. Rien de surprenant puisqu’ils sont les premières victimes de la tyrannie de l’information continue. Qui plus est, on s’attend d’eux qu’ils saupoudrent leurs articles d’un soupçon de controverse pour satisfaire le lectorat. Et comme vous, ils sont appelés à traiter une grande variété de sujets sans toujours détenir les qualifications ou les connaissances pour s’y retrouver.
Source : www.pexels.com


Vos beaux messages soigneusement fignolés se retrouveront alors trop souvent tronqués, voire déformés. Des coins seront tournés, des liens farfelus tissés, des chiffres inversés, des intentions malveillantes attribuées, autant de situations qu’il vous faudra essayer de prévenir ou de désamorcer.


Vos textes se devront d’être d’une clarté exemplaire, tout comme vos explications techniques. Ne vous improvisez pas relationniste et privilégiez les échanges par courriel avec la presse en cas de situations épineuses, les journalistes étant très habiles pour vous attribuer des citations à votre corps défendant. 

 
Autre conseil primordial : si vous devez trouver des arguments pour justifier une décision critiquée, évitez les figures de style, l’ironie ou encore les comparaisons avec d’autres groupes du type « cet investissement est modeste si l’on pense à ce que le gouvernement consacre chaque année pour l’alphabétisation / la lutte à la discrimination / la réfection des terrains de pétanques ». Croyez-moi, c’est tout ce qui sera extrait et imprimé en grosses lettres dans les médias. 

Même si l’on vous provoque et tente de vous faire déraper, accrochez-vous à cette formule simple et irréprochable : un message clair et sobre, de l’humilité et de l’empathie. 

Ce mariage étroit avec les médias se traduira d’une autre façon dans votre quotidien de rédacteur. Régulièrement lorsque vous serez à la recherche d’information sur un sujet, on vous référera à un article de journal.

Répétez après moi : un article de journal N’EST PAS une source d’information digne de confiance!

Une source d’inspiration, oui. Un point de départ pour creuser un sujet, oui. 

Vous tombez sur une délicieuse statistique dans un article de journal qui ferait merveille dans ce discours sur lequel vous peinez? 

Trouvez son origine, soit l’organisation, l’université ou autre qui se cache derrière, et fiez-vous plutôt à celle-ci.

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Pour compléter le propos, voici un intéressant billet du blogue de Cision qui propose la marche à suivre en cas d'erreurs journalistiques :
Un journaliste commet une erreur. Que faire?


Tiré du futur Guide impertinent du rédacteur.

dimanche 8 octobre 2017

Plaisirs coupables

Avec mes deux cours de graphisme au programme cet automne (puisqu'il faut bien se changer des lettres pour ne pas perdre la flamme), je me retrouve avec peu de moments libres pour palabrer sur la langue française. Ce ne sont pas les sujets qui manquent, mais le temps pour vérifier frénétiquement chaque tournure et chaque accord de ces billets. Nous nous reprendrons dans quelques semaines.

Ceci ne m'empêche pas d'avoir des yeux et de sautiller sur place dans un mélange d'irritation et d'excitation chaque fois que j'aperçois une improbable coquille bien en vue dans les rues de Montréal. Cadeau de l'extension que nous avons maintenant presque tous au bout du bras, je peux maintenant partager mon émoi. Voici donc la récolte de ma petite virée de dimanche dernier.

Pour les profanes, sachez que, sous nos grands airs de désolation face à la dégradation de la langue française, nous, humbles et dignes rédacteurs, ressentons immanquablement pendant l'exercice une secrète jubilation proportionnelle à la « cradeur » de la coquille relevée...

Deux savoureuses coquilles... sans même s'attarder à la typographie

Ouille, j'ai mal à ma cohérence. Et merci pour ce S incongru!

Un excès de zèle.

vendredi 18 août 2017

« Ça ne se dit pas! »

Qui? QUI décide de ce qui « se dit » ou « ne se dit pas »?

Vous ne le savez pas non plus?

Pourtant, il doit bien y avoir quelqu’un quelque part qui porte le titre pompeux de « valideur de locutions » et je parie que ce quelqu’un est sacrément occupé.

Il existe ainsi une branche mystérieuse de la profession de rédacteur qui consiste à décider de « ce qui se dit ou non ». Voilà près de 20 ans que je tente d’en percer les mystères. 



Portrait type


Au bénéfice des petits nouveaux qui viennent de se lancer, voici le portrait type d'un représentant de cette branche.

Au cours d’une situation professionnelle (ou même personnelle, ces grosses bêtes n’ayant aucun respect pour la vie privée), vous croisez le chemin d’un individu d’un commerce agréable au premier abord. Feignant de priser votre compagnie, il concentre toute son attention sur vous pendant que vous narrez devant témoins vos dernières vacances ou, pire, osez discourir naïvement sur les défis de la langue française sans avoir au préalable brandi une copie certifiée conforme de votre diplôme de doctorat. 

Un léger froncement de sourcils de sa part vous laisse sous l’impression qu’il a mal compris le nom de la destination vacances ou catégorie de rupture de construction syntaxique évoquée. Comme vous répétez patiemment « Fuengirola » ou « zeugme », il vous coupe :

- Ça ne se dit pas!
- De… de quossé? bredouillez-vous. C’est pourtant ce que mon professeur / agent de voyage m’a…
- Non! Ce que vous venez de dire…
- …

Et là de répéter à son tour un terme ou une expression qui vous semblait voilà une minute encore tout à fait acceptable. 

Rongé par ce doute implacable qui taraude tout rédacteur, vous hésitez à demander des précisions pour éviter d’exposer cette vilaine lacune dans vos connaissances.

Bien sûr, ce type de spécialiste se garde habituellement de justifier ses jugements sans appel, se contentant de prendre cet air entendu signifiant « mais vous le saviez déjà, n’est-ce pas? ».

Vous optez pour une réponse évasive ou déclenchez l’alarme incendie selon votre degré de panique et l'inspiration du moment. 

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Un conseil offert ici gracieusement. À défaut de projeter un nuage d’encre (un mécanisme de défense que tout rédacteur devrait naturellement posséder), lancer un débat sur la féminisation des titres se révèlera toujours une parade efficace pour détourner l'attention. C'est aussi un thème plus subtil et moins éculé que celui de la nouvelle orthographe. 


***

Ayant réussi à surmonter l’attaque, vous conservez le terme ou l’expression en tête pour vous livrer à de fébriles recherches dès les outils à portée de main. Sans surprise, elles sont infructueuses. Anglicisme? Barbarisme? Néologisme? Tous les « ismes » restent muets.

Vous croyez avoir négligé une source d’information importante et maudissez le temps passé sur les réseaux sociaux plutôt que dans la révision périodique de vos vieux ouvrages de rédaction.


Bref, vous regrettez de ne pas avoir plutôt investi dans l'ouverture de votre propre salon de toilettage de chiens lorsqu'il était encore temps.

Rassurez-vous! Cette situation n’a rien d’inhabituel. La rédaction n’est aucunement une science exacte. 

Notre bagage est le reflet de notre âge, de notre provenance, de notre parcours académique et, par extension, de l’école de pensée fréquentée. Robert ou Multi? Sujet ou groupe nominal? Antidote ou coups de règle sur les doigts? 

Mal nécessaire

Irritant, je vous l’accorde. Mais, dans l’infinie sagesse de la nature, ces prédateurs jouent un rôle important au sein de notre écosystème, ne serait-ce qu’en ayant parfois raison. 

Monsieur ou madame Ça-ne-se-dit-pas a habituellement le chic de croiser notre route le lendemain d’un jour où l’on s’est interrompu, ému, pendant la rédaction d’un passage particulièrement ardu pour se susurrer « Vraiment, tu en jettes, Ginette! ». C’est donc un électrochoc salvateur qui nous garde humble et appliqué. 

L’autre utilité incontestable de ces prédateurs est de nous éviter d’en devenir un. 

C’est cette crainte qui m’incite à ménager mes victimes en classant mes ratifications sur un texte révisé en deux catégories : corrections et suggestions.

Les corrections comprennent les erreurs de syntaxe, de grammaire, de typographie, etc. Je m’assure de pouvoir les justifier si besoin, quitte à en montrer la source, surtout lorsque le client fait appel à mes services pour la première fois. 

À ce stade, il n’est pas rare de devoir faire ses preuves et rassurer le client sur ses compétences en accueillant avec bienveillance ses questions. C’est normal, me dis-je, puisque, s’il connaissait les réponses, mes services seraient inutiles. 

Les suggestions, quant à elles, représentent la valeur ajoutée du métier. Cette fluidité, cette musicalité, cette élégance que tout rédacteur s’efforce d’insuffler à un texte. Elles touchent le style, le ton, le fil conducteur et l’enchaînement des idées. Le client accueille en général très bien les suggestions dans la mesure où il peut en apprécier immédiatement la portée.

Les unes n’allant pas sans les autres, ce sont les suggestions qui vous vaudront tout particulièrement l’appréciation de vos clients et les convaincront de la pertinence de vos corrections. 

Il n’y a rien de plus gratifiant pour moi dans ce métier qu'un client satisfait qui parcourt un texte révisé par mes soins en souriant et en hochant la tête. Et s'il ajoute que j'ai véritablement « saisi ce qu'il voulait dire et que le texte est maintenant beaucoup mieux », j'éprouve un petit frisson de bonheur! 

Alors, évitez de vous laisser ébranler par ces puristes aux grands airs dont les jugements reposent trop souvent sur du vent. La prochaine fois que vous en croiserez un, répondez simplement « Ah oui? Pourquoi? » et regardez-le s’énerver jusqu’à en perdre son beau parler.


Tiré du futur Guide impertinent du rédacteur.

mardi 23 mai 2017

Ce doute qui rebat les oreilles de tout rédacteur

Le rédacteur moyen est composé de 27 % de doutes, de 32 % d'expériences, de 23 % de connaissances, de 10 % d'inspiration et de (j'ouvre mon application de calculatrice, moi rédactrice agréée et non comptable agréée) 8 % d'intuition.

Ces pourcentages peuvent, bien sûr, varier d'un sujet à l'autre ou chez un même sujet au cours d'une carrière quand ce n'est pas d'une journée. 


D'accord pour les autres ingrédients, mais le doute, vraiment?


Oui, le doute. Je dois même avouer qu'au fil des années, il gagne de plus en plus de terrain sur les autres ingrédients. J'ai essayé de breveter une citation, « Plus je vieillis et plus je sais que je ne sais rien », mais on m'a dit qu'un gars l'avait fait avant moi. Pfff... un autre rédacteur assurément.


Source : stocksnap.io


Des preuves


Bon, bon, vous réclamez des preuves... 

D'accord. Regardez l'introduction. J'ai encore une fois saisi mon téléphone pour vérifier avec peu de succès si la structure « composé de ... % » passait le test. Mon rédacteur interne m'a proposé de modifier le début en y allant d'un « la composition moyenne d'un rédacteur est de... », mais j'ai jugé la formule un peu lourde. 

Ensuite, je me suis angoissée avec l'accord des ingrédients... Connaissance exigeait un pluriel à grands cris, inspiration et intuition préféraient le singulier avec modestie, mais doute et expérience? Après une courte cogitation, j'ai opté pour le pluriel, compte tenu de la quantité ahurissante de connaissances englouties pendant mon baccalauréat en rédaction et mes certificats en traduction et en création littéraire, quantité n'ayant d'égale que la somme des doutes qui m'assaillent régulièrement depuis le jour où j'ai commencé ma carrière de scribe.

À en juger par l'angoisse qui taraude aussi mes confrères et mes consoeurs lorsqu'ils sont invités à communiquer par écrit avec d'autres membres de la profession, mon « cas » est loin d'en être un. Les guides de rédaction se veulent d'ailleurs relativement rares, un fait surprenant pour un métier consistant en résumé à savoir « quoi dire et comment le dire » à un destinataire ou à public donné. Seulement la rédaction d'un article de ce blogue génère une masse de travail et de stress non négligeable. Chaque mot est soupesé, chaque phrase reformulée. 

Vous croyez qu'il s'agit d'une exagération? Dans les dernières minutes, j'ai hésité à utiliser l'expression « non négligeable », lui préférant  les adjectifs « ahurissant » ou « surprenant » avant de remarquer que je venais de les caser dans les phrases précédentes. Il aurait été facile de me rabattre sur un synonyme dithyrambique, mais l'esbroufe me hérisse. Je préfère la philosophie de l'écrivain Isaac Asimov, lequel visait à se faire comprendre clairement avant de « faire du style ». Aussi, j'ai tripoté à nouveau mon téléphone, cette fois pour vérifier la définition de « scribe » et de « confrère » ainsi que l'orthographe de « rabattre » et « esbroufe ». 


La genèse du doute


Oui, « rabattre »! Ses 23 % de connaissances permettent au rédacteur moyen de savoir et de partager avec une satisfaction non dissimulée que l'expression « rabattre les oreilles » est fautive, les oreilles devant plutôt être « rebattues ». C'est ce qui l'incite à estimer l'expression « se rabattre sur » extrêmement suspecte! Voilà la genèse de tout ce doute, qui enfle au fur et à mesure que s'empilent les connaissances (misère, aurais-je dû laisser « doute » au singulier dans l'introduction finalement?).

Je disais donc que ce doute continuel (je viens de vérifier « genèse » pour trouver où lui coller des accents) rend la communication entre rédacteurs particulièrement anxiogène. N'est-ce pas un paradoxe à la fois amusant et désolant? Des spécialistes de l'écriture qui hésitent à pratiquer leur métier entre eux! Ils sont pourtant particulièrement friands des textes qui traitent de leur réalité. J'en ai pour preuve l'enthousiasme avec lequel ils me parlent de ces chroniques... avant d'ajouter « il y a une petite coquille, je crois, dans le troisième paragraphe ».

Oui, vous retrouverez ici un budget d'au moins une coquille par article (les joies de taper sur un ordinateur portable en équilibre sur les genoux dans la pénombre du salon sans accès au logiciel Antidote). 

Non, je ne m'en inquiète pas : l'exercice me garde humble et me procure plus de satisfaction que de contrariété (hum, pluriel ou singulier?). Le doute est à la fois ennemi et motivation dans cette profession.

Et qui a répandu cette rumeur qu'un bon rédacteur doit pondre un excellent texte au premier jet? Comme pour n'importe quel art, la rédaction se veut un travail en plusieurs étapes. Nous y reviendrons plus tard. Alors, à bas les complexes et laissez votre 100 % de talent s'exprimer joyeusement!

lundi 8 mai 2017

Un prêtre qui a de l'avenir en révision

Tout spécialiste des mots peut vous raconter en frissonnant au moins une histoire d'horreur, une situation professionnelle où ses yeux ont laissé passer une coquille abominable, habituellement située sur une page couverture ou tout autre endroit extrêmement visible. Des campagnes d'affichage chics et chères ont dû être réimprimées pour cause de « faute si flagrante que même un élève du primaire l'aurait vue »!

Comment expliquer cet angle mort? 


Tout d'abord, le cerveau adoooooore compartimenter, segmenter, répartir dans des petites cases. Par souci d'efficacité, il fait facilement abstraction de tout ce qui lui paraît superflu pour se diriger droit vers l'essentiel. Encore mieux, c'est un champion de l'anticipation qui comble les « trous » pour accélérer son rythme de lecture.

Tout cela est bien pratique pour survoler les pages d'un magazine en repérant en un coup d'oeil les extraits dignes de notre précieuse attention. Aux oubliettes le numéro de folio, le crédit sous la photo ou cette publicité trop belle pour être vrai. On se précipite sur le corps du texte pour dévorer les mots et passer le plus rapidement possible à travers cet article. 

Ce sont ces mêmes aptitudes qui nous jouent de cruels tours lorsque la révision fait partie de notre gagne-pain. La vue d'une affiche qui attend mon approbation me cause presque toujours une cabriole dans l'estomac. Je traite le mandat solennellement, énonçant chaque mot à voix haute, en suivant le tout avec un stylo. Paradoxalement, recevoir un document de quelque 100 pages à réviser m'inspire un grognement de plaisir anticipé. Mes coreligionnaires comprendront...

Le truc? Morceler les étapes de révision


L'expérience m'a appris à déjouer ce fieffé cerveau en « morcelant » les étapes de révision. Je commence par lui retirer la bride en le laissant se ruer sur les paragraphes. Ensuite, je reprends du début pour me concentrer plus particulièrement sur les « à-côtés » : titres, sous-titres, légendes, crédits de photo et tous ces petits bouts de textes que nos méninges dédaignent habituellement. 

Puis vient la troisième et aussi importante étape, celle de la « révision graphique ». Y a-t-il une photo ou un élément visuel qui pourrait prêter au ridicule? Une voiture stationnée devant un panneau d'interdiction (déjà vu), un chien dans un parc où ils sont interdits (vu aussi) ou encore un politicien qui semble coller cette contribuable d'un peu trop près en raison de l'angle choisi par le photographe (oui, vu)?

Une amie m'a fourni cette semaine un délicieux exemple que je m'empresse de partager avec vous pour illustrer ces propos. Travaillant sur une campagne promotionnelle soulignant l'anniversaire d'une paroisse, elle a soumis aux responsables de l'église deux affiches réalisées par une graphiste à partir de textes et d'images choisis par ses soins. Bien sûr, ces affiches ne lui avaient valu qu'un concert d'éloges jusqu'à ce moment. 


C'est le prêtre lui-même qui a constaté l'incongruité (laquelle, je dois souligner, paraissait moins évidente pour qui contemplait l'affiche dans son ensemble) et fait remarquer poliment que cette chapelle paraissait plus vide que « remplie de fidèles »!

En révision, des yeux neufs ne seront jamais de trop. Si ceux de votre ministre du culte ne sont pas disponibles, n'hésitez pas à avoir recours à votre conjoint, facteur ou vétérinaire avant de lancer l'impression de cette campagne sur laquelle vous avez besogné pendant des mois!



jeudi 4 mai 2017

Quand une compagnie aérienne annonce en grande pompe ses nouveaux biscuits

Avez-vous entendu la nouvelle? Non? Pourtant, celle-ci a été annoncée en grande pompe le 1er mai sur le fil de presse Canada NewsWire / CNW Telbec

Je cite : « Porter Airlines dévoile un nouveau partenariat avec un nouveau fournisseur, le fabricant de biscuits Walkers Shortbread. Ces biscuits font partie intégrante de l'expérience de vol raffinée de Porter, et Walkers est un partenaire naturel avec son excellent goût et son engagement à l'endroit de la qualité. »

Source : Groupe CNW/Porter Airlines inc.

Impressionnés? Pourquoi ces froncements de sourcils? La nouvelle est très sérieuse! Quelques sites l’ont même reprise, dont markets.businessinsider.com.

Trêve de plaisanterie, il s’agit ici d’un excellent exemple de la lutte acharnée que se livrent les entreprises pour arracher un part de l’attention médiatique. Comme une tarte, celle-ci se découpe en pointes de plus en plus réduites au point qu’on s’en dispute la moindre miette.

Et des bataillons de relationnistes, communicateurs, rédacteurs se retrouvent à fixer avec perplexité et angoisse le curseur clignotant sur leur écran en cherchant en eux les ressources pour composer les perles que nous avons lues plus haut (faisant un usage abusif du mot « nouveau » pendant l’exercice). 

Ceci m'en inspire même une : Tellement bons qu'ils vont vous faire planer! 

Hum... Ce n'est peut-être pas la meilleure des idées.

Tyrannie de l’information continue


Ceci illustre également un autre irritant, celui de la tyrannie de l’information continue. Avec les chaînes d’information qui roulent 24 heures sur 24, de même que les sites de brèves qu’il faut nourrir sans interruption, tout et je dis bien TOUT est désormais digne d’un communiqué, d’une coupure de ruban, d’une inauguration.

Pensons au fameux sapin de Noël du Rockfeller Center. Sans aucun encouragement de ma part, on m'a informée de chaque étape de son cheminement. Sélection, installation, retrait et j’en ai certainement échappé. Peut-être a-t-il fait un arrêt chez Schwartz, à Central Park ou au Apple Store pendant que je dormais?

Pour revenir à nos biscuits, Porter a même pris le soin de fournir des photos génériques aux médias, question de leur faciliter la tâche. L’époque où des images grosses comme un timbre-poste illustraient de longs articles est révolue. Désormais, le rapport est inversé et les textes se résument souvent à de longues légendes accompagnant les images.

Je saisis tout à fait l’ironie que de mentionner ici la nouvelle de Porter sert son ambition. Malgré tout, ferez-vous reposer le choix de votre compagnie aérienne sur les accompagnements qui vous seront servis chichement pendant le vol?

Du neuromarketing? 


À moins que Porter ne calcule que de diffuser de la nouvelle légère aussi frivole soit-elle, alors que la mode est à la dénonciation des abus du surclassement, permet d’inoculer chez les consommateurs une impression positive. En cette ère où leurs mécanismes neuronaux font l’objet d’études extrêmement poussées sous le vocable légèrement inquiétant de « neuromarketing », rien ne doit nous surprendre.